26
Le visage des meneurs

 

 

Le ciel était redevenu gris ; une nouvelle tempête menaçait, mais les amis, sans crainte, quittèrent leur abri, pleins d’espoir, le moral excellent, prêts à abattre tous les obstacles qui se dresseraient devant eux. Ils étaient de nouveau ensemble, et, pour la première fois depuis le retour inattendu de Wulfgar des Abysses, se sentaient à l’aise les uns avec les autres. Tout leur paraissait… en place.

Quand ils avaient revu leur compagnon, cette première fois, dans une caverne creusée dans un iceberg sur la mer des Glaces flottantes, alors qu’ils combattaient avec acharnement le démon Errtu, il y avait eu de la joie, bien sûr, une grande joie, mais, sous de nombreux aspects, la réunion avait été contrainte. C’était un choc, une épreuve, de renouer avec une réalité très différente de ce qu’ils avaient cru. Le barbare resurgissait de la tombe ! Tout le profond chagrin que ses quatre amis avaient cru apaisé était soudain revenu au premier plan, leur résolution face à l’adversité comme jetée de côté.

La joie avait fait place ensuite à des moments gauches mais nécessaires quand ils avaient dû tenter de renouer les liens qui les unissaient. Ces premières tentatives avaient conduit au désastre : Wulfgar, dans son mal-être, avait commis un acte indigne, et les Compagnons du Castel s’étaient séparés.

Enfin ils se retrouvaient !

Ils prirent très vite une bonne allure. Bruenor menait le groupe principal, forçant un passage dans la neige de son corps trapu ; Régis suivait, s’aidant des repères du paysage (les pics) pour guider le nain. Puis Wulfgar, la lourde bardiche en travers des épaules, pouvait du haut de ses deux mètres surveiller la voie devant eux et sur les côtés.

Catti-Brie, à quelques pas, tenait l’arrière-garde, arc à la main, en alerte. Elle ne perdait pas de vue le drow qui les flanquait en permanence, d’un côté puis de l’autre. Drizzt n’avait pas fait venir Guenhwyvar du plan Astral – il avait même confié à la jeune femme la figurine permettant d’invoquer la panthère –, parce que plus ils attendraient et plus le fauve serait en forme pour le combat. L’elfe noir avait le sentiment qu’ils auraient grand besoin de leur compagne griffue pour régler cette affaire !

Peu après midi, alors que tous avançaient d’un bon pas et que la neige ne tombait toujours pas, Catti-Brie remarqua que le drow, en avant sur la gauche, leur faisait signe.

— Attends, chuchota-t-elle à Wulfgar qui relaya l’instruction aux autres.

Bruenor s’arrêta. L’effort de fendre la couche blanche le faisait haleter. Il dégagea la hache fixée dans son dos, la planta dans la neige la tête la première pour s’appuyer sur son manche.

— Drizzt arrive, annonça le barbare qui avait une vue dégagée par-dessus les congères et autres monticules devant eux.

— Il y a une piste, expliqua le drow quand il eut rejoint ses amis. Elle croise ce chemin et mène à l’est.

— Nous sommes censés aller droit au sud, rappela Régis.

Drizzt secoua la tête.

— Il ne s’agit pas d’un autre chemin, mais d’une trace provisoire, précisa-t-il.

— Une trace ? demanda Bruenor, l’air très intéressé. Des ogres, encore ?

— C’est différent.

Le drow invita du geste ses compagnons à le suivre.

À peine cent mètres plus loin, ils virent cette seconde piste : une zone de neige compressée traversait leur trajectoire, descendant la pente vers l’est. Sur la haute couche de poudreuse, on voyait un creux avec au fond de la bouillasse. Un peu de vapeur s’en échappait.

— Par les Neuf Enfers, c’est quoi ce truc ? demanda Bruenor.

— Un ver polaire, indiqua Drizzt.

Le nain cracha, Régis frémit, Catti-Brie se raidit, sur ses gardes. Tous avaient un peu d’expérience des redoutables remorhaz, les énormes vers polaires. Assez en tout cas pour savoir qu’ils n’avaient pas envie d’en combattre encore !

— Je ne tiens pas à laisser un tel adversaire dans notre dos, ajouta l’elfe noir.

— Tu crois qu’on devrait aller tuer l’machin ? demanda Bruenor, dubitatif.

Le drow secoua la tête.

— Non, mais il vaut mieux nous assurer du lieu où il est pour l’instant. Beaucoup de facteurs sont à prendre en compte avant de décider de l’attaquer ou non.

— Par exemple notre degré de stupidité, marmotta Régis.

Catti-Brie, tout près de lui, fut la seule à l’entendre. Elle lui adressa un sourire et un clin d’œil. Le halfelin haussa les épaules.

Sans vraiment attendre de confirmation du groupe, Drizzt se lança en avant. Il partait en éclaireur le long du chemin facile à suivre qu’avait creusé cette étrange et puissante bête. Le ver polaire est capable de surchauffer son échine pour vaporiser la neige et aussi – le drow ne l’oubliait pas ! – la chair de ses proies.

Les compagnons tombèrent sur le monstre à quelques centaines de mètres de la voie principale, dans son antre sommairement creusé. Il terminait de dévorer un chamois qu’il avait attrapé. Le dos de la redoutable créature luisait d’excitation, de la joie du massacre et du festin.

— Cette bête ne nous créera pas d’ennuis, nota Wulfgar. Elles se nourrissent à longs intervalles de temps ; une fois rassasiées, elles ne chassent plus.

— Exact, confirma Drizzt avant de ramener la troupe sur le chemin principal.

À ce moment, quelques légers flocons dérivaient dans l’air, mais Régis assura qu’il n’y avait pas de souci à se faire : plus loin, il remarquait un sommet à la forme particulière qui signalait l’extrémité nord de la gorge de Minster.

La neige ne tombait toujours pas de manière gênante quand les cinq compagnons eurent contourné ce pic et virent la tortueuse ravine descendant devant eux, plein sud. Régis donna alors ses informations d’un ton assuré, décrivit le chemin qu’ils allaient suivre, l’endroit où devaient se tenir les sentinelles – à droite et à gauche –, invita enfin ses compagnons à regarder loin, bien loin au sud, où on apercevait tout juste le sommet blanc d’un gros monticule. Il dessina un plan des lieux, avec le chemin qui gravissait la face est de ce mont à partir de la caverne au niveau de la mer. Il précisa que cette voie menait à une porte (peut-être davantage, d’ailleurs), installée au flanc de la petite montagne.

Régis regarda Drizzt, hocha la tête et ajouta :

— Et un autre chemin, plus secret, permet aussi d’entrer.

— Tu crois qu’on a intérêt à se séparer ? demanda Bruenor, peu emballé par l’idée.

Il se tourna pour avoir aussi l’avis du drow, car il était clair que cette remarque du halfelin avait plongé l’elfe noir dans de profondes réflexions.

Drizzt hésitait. D’ordinaire, les Compagnons du Castel combattaient côte à côte, et se montraient très efficaces dans cette disposition. Mais, là, il ne s’agissait pas d’une mission habituelle ; ils s’attaquaient à un camp retranché, un endroit sans aucun doute bien défendu. S’il parvenait à pénétrer la forteresse pour prendre les ennemis à revers, il pourrait apporter une aide précieuse !

— Prenons les choses une étape à la fois, décida-t-il. Nous devons d’abord nous occuper des sentinelles, s’il y en a.

— Avec Robillard, on en a vu quelques-unes, rappela Régis. Au moins deux de chaque côté de la gorge, peut-être une cinquième. Elles ne semblaient pas près de s’en aller.

— Dans ce cas, nous devons trouver un autre chemin pour les contourner, estima Wulfgar. Si on frappe d’un côté, ceux en face nous verront et donneront l’alerte à tout le monde avant qu’on puisse les approcher.

— Sauf si Catti-Brie utilise son arc…, commença Régis.

Mais la jeune femme secouait déjà la tête, évaluant d’un œil dubitatif la distance importante entre les parois de la gorge.

— Nous ne pouvons pas laisser autant d’ennemis potentiels dans notre dos, trancha Drizzt. Je prendrai ceux à droite, vous ceux à gauche.

— C’t idiot ! grogna Bruenor. T’arriveras p’t’être à tuer deux demi-ogres, l’elfe – ou même deux ogres pleins –, mais t’auras jamais le temps de les empêcher d’crier.

— Alors il faut que, pour ceux d’en face, l’attaque soit pas ce qu’elle paraît, décida Catti-Brie. (Les autres se tournèrent vers elle, remarquèrent son expression déterminée. Elle regarda en arrière, vers le nord-est.) Le gros ver a pas faim… mais on peut le mettre en rogne !

 

* * *

 

— Ettin ? demanda un des demi-ogres de garde sur le côté est de la gorge.

Perplexe, il observait en grattant sa tête mangée par les poux la créature de deux bons mètres qui s’avançait vers eux. Elle avait deux têtes, ce qui la situait dans la famille des ettins, mais l’une de ces têtes ressemblait à celle d’un humain blond, tandis que l’autre avait les traits ridés, burinés, la tignasse et la barbe rousses échevelées d’un nain.

— Ngh ? demanda la seconde sentinelle qui rejoignait la première.

— Pas d’ettin ici, assura la troisième sans quitter la chaleur du feu.

— Ben un vient ! protesta la première.

De fait, l’être à deux têtes approchait rapidement ; il n’avait pas d’arme, ne semblait en rien menaçant. Les demi-ogres n’en brandirent pas moins les leurs, d’armes, et intimèrent à l’étrange visiteur de s’arrêter.

Il s’exécuta, à quelques pas des gardes, considéra ceux-ci avec deux sourires plutôt fats.

— Quoi tu veux ? demanda une sentinelle.

— Qu’tu dégages ! s’écria la tête rousse.

Les demi-ogres, un instant plus tard, restèrent bouche bée quand l’immense humain (eh oui, c’était bien un humain) jeta la couverture drapée autour de lui, et que le nain rouquin bondit de sur son épaule pour atterrir en une roulade sur la gauche. L’humain lui aussi bougea, vers la droite. Arrivant à toute vitesse derrière la paire qui venait de se séparer, visant sa position d’origine et donc celle des demi-ogres stupéfaits, s’élevait un épais panache de vapeur.

Les brutes hurlèrent. Le ver polaire se dressa, brisant la couche de neige sur lui, et surplomba les sentinelles.

— Pas un ettin, débiles ! glapit celle à côté du feu.

Avec une loyauté typique de son espèce, le demi-ogre bondit pour s’enfuir vers le sud, longeant la ravine en direction des cavernes du repaire.

Telle était du moins son intention. À peine avait-il fait trois pas qu’une flèche au sillage bleu éblouissant comme un éclair le frappait au bassin, le faisant trébucher. Ralenti, le monstre claudiquant, couinant, ne vit même pas approcher l’attaque suivante : le nain se jeta carrément sur lui, le renversant, puis le taillada de sa hache à la lame ébréchée mais fort efficace. Pour ne rien laisser au hasard, Bruenor conclut en écrasant avec une telle force son bouclier contre le mufle de la créature que la chope écumante resta gravée sur une joue du demi-ogre.

 

* * *

 

Régis entendit l’agitation derrière lui, et cela le réconforta tandis qu’il avançait lentement de l’autre côté du ravin, contre la paroi. Juste en dessous des gardes de ce côté, hors de vue, il tâtonnait pour trouver des prises. Drizzt et lui avaient laissé les trois autres pour avancer du côté ouest, puis s’étaient eux aussi séparés ; le drow voulait prendre les sentinelles à revers. Régis, son propre plan en tête, avait suivi le mur.

Le halfelin se rendait bien compte, après le sourire supérieur que lui avait adressé le drow avant de le quitter, qu’il ne s’attendait pas à le voir faire des étincelles dans le combat qui s’annonçait. Il devait penser que Régis cherchait tout bonnement un endroit où se cacher ! Mais non, le petit homme avait, de fait, élaboré un plan ; il était presque arrivé à l’endroit idéal pour le mettre en œuvre, un grand surplomb de glace et de neige.

Il se plaça juste en dessous, toujours plaqué au mur de pierre, entreprit de l’entamer en le frappant avec sa petite masse d’armes.

Il jeta un coup d’œil de l’autre côté de la gorge ; le ver polaire se dressait de nouveau, un demi-ogre se débattant dans sa gueule. Régis eut une grimace de compassion pour le pauvre monstre quand la grosse bête rejeta la tête en arrière et le lâcha, le faisant rouler derrière ses cornes, sur son échine illuminée, brûlante. La brute souffrait atrocement, se débattait !

Un peu plus loin, Bruenor, Wulfgar et Catti-Brie filaient vers le sud, s’écartant au plus vite du ver polaire et des trois demi-ogres blessés, bientôt morts.

Le halfelin entendit de l’agitation au-dessus de sa tête. Les gardes se rendaient compte qu’une catastrophe se produisait en face.

— À l’aide ! hurla-t-il alors. (Tout se tut au-dessus.) À l’aide !

Il y eut un mouvement. La glace grinça un peu ; un de ces monstres stupides avançait sur le surplomb.

— Hé, p’tit rat ! rugit-on un instant après.

La tête du demi-ogre apparut. La brute allongée à plat ventre sur la corniche regardait Régis d’un air incrédule, cherchait à l’attraper.

— Casse, mais casse donc ! ordonna le halfelin en frappant la glace de sa petite arme avec toute la force possible.

Il dut s’arrêter un instant pour éviter de justesse la grosse main que dirigeait sur lui la sentinelle.

Celle-ci rampa plus loin. La glace grogna, grinça, malmenée.

— J’t’ai !

Mais l’exclamation du monstre se mua en gémissement de surprise, de terreur, quand le surplomb se brisa, entraînant avec lui le demi-ogre.

— Ah oui ? répondit Régis à la bête disparue.

— Ouaip ! fit-on au-dessus.

Régis leva lentement le regard : la deuxième sentinelle baissait sur lui des yeux furieux, lance à la main. Le halfelin était bien à sa portée ! Il envisagea, à ce moment, de lâcher prise, de risquer une rude chute jusqu’en bas du ravin… mais le demi-ogre se raidit soudain, fit un petit saut en avant, voulut pivoter et reçut un coup tranchant en pleine face. Il bascula, passa dans sa chute près de Régis. Drizzt, étendu à plat ventre à sa place, tendait la main vers son ami.

Celui-ci la saisit, le drow le tira jusqu’à lui.

— Cinq abattus ! s’écria le petit homme, ravi que ses informations aient apparemment apporté la victoire. Tu vois, j’avais bien compté : quatre, peut-être cinq… juste là où j’avais dit !

— Six, rectifia Drizzt en désignant au halfelin un peu plus loin une autre brute morte, gisant dans une mare de plus en plus large de son propre sang. Tu en avais raté un.

Régis observa le spectacle un moment, bouche bée, puis, déçu, haussa les épaules.

Les deux compagnons examinèrent la situation et conclurent que ces deux groupes de sentinelles ne leur créeraient plus d’ennuis. De l’autre côté, les trois étaient morts, le ver polaire les dévorait. Quant aux deux qui avaient basculé dans la ravine, ils avaient vraiment fait une chute impressionnante ! L’un restait allongé immobile en bas, l’autre, qui ne devait pas se trouver loin de son congénère aux os brisés, était enseveli sous une bonne quantité de glace et de neige.

— Nos amis ont longé le ravin, nota Régis, mais je ne sais pas où ils sont maintenant.

— Ils ont dû s’écarter de la gorge à un moment, supposa Drizzt.

Il ne paraissait pas inquiet. Les héros avaient évoqué cette possibilité avant d’attirer le ver polaire à son festin. Le drow montra la ravine au halfelin : un nombre non négligeable d’ogres et de demi-ogres la remontaient. Le plan, dans l’idéal, avait été de se débarrasser des sentinelles sans donner l’alarme, mais, dès le début, les aventuriers savaient qu’ils échoueraient peut-être sous ce rapport ; ils espéraient que la présence du monstre pourrait égarer les gardes.

— Viens, dit Drizzt. Nous rattraperons nos compagnons – ou le contraire – le moment venu.

Il se mit en chemin vers le sud, aussi près du bord de la gorge que possible.

La troupe d’ogres passa peu après juste au-dessous d’eux sans les voir ; le drow examina le ravin, puis entreprit de descendre la pente là où elle était moins raide.

Régis protesta, poussa de grands soupirs, mais parvint à suivre l’allure de Drizzt. Bientôt, les deux amis se tenaient en bas, dans la gorge, avec la troupe de gardes déjà loin au nord. Le mont qui abritait le système de cavernes s’élevait juste devant eux, au sud, et on voyait très bien l’ouverture permettant d’y accéder.

— Tu es prêt ? demanda le drow.

Le petit homme avala sa salive. Il n’était pas emballé par l’idée d’avancer en la seule compagnie de ce téméraire de Drizzt ! Il aurait préféré de loin avoir devant lui les corps solides de Bruenor et Wulfgar, Catti-Brie avec son arc redoutable en couverture… mais, de toute évidence, l’elfe noir ne comptait pas laisser passer cette occasion de pénétrer au cœur du repaire ennemi.

— Je te suis, s’entendit répondre Régis.

Il avait du mal à en croire ses oreilles.

 

* * *

 

Les quatre membres les plus importants de la bande de Sheila Kree sortirent à la fois de leurs chambres quand retentirent les cris en dessous, en dehors du mont.

— Chogurugga a envoyé un groupe pour enquête, apprit Bellany aux autres.

Les quartiers de la sorcière donnaient au nord, dans la direction du tumulte, et comprenaient une porte débouchant sur une plate-forme extérieure.

— Tu fais pareil, lui ordonna Sheila Kree. Monte ton bassin d’scrutation et regarde c’qui nous tombe dessus.

— J’ai entendu des cris à propos d’un ver polaire, indiqua Bellany.

Le chef pirate secoua la tête, sa chevelure roux ardent vola dans tous les sens.

— Ben voyons, marmonna-t-elle.

Puis elle partit au pas de course le long du couloir incurvé qui descendait vers les quartiers de Chogurugga et de Bloog, Gemme Poivre dans son sillage.

Le’lorinel ne bougea pas, resta sur place en hochant la tête d’un air entendu.

— Ce serait le drow ? demanda Bellany.

L’elfe sourit, regagna sa chambre, ferma la porte.

Restée seule, Bellany secoua la tête, inspira profondément, examina les choix qui s’offraient à elle au cas où Drizzt Do’Urden et les Compagnons du Castel soient vraiment venus les attaquer. La sorcière espérait que c’était bien un ver polaire qui avait causé toute cette agitation, même si le monstre risquait d’être difficile à chasser.

Elle retourna dans ses propres quartiers, commença ses sorts de divination. Elle pensait examiner la zone de turbulences au nord, et aussi vérifier ce que fabriquait Morik pour s’assurer du côté où penchait sa loyauté.

 

* * *

 

Quelques instants plus tard, Le’lorinel ressortit dans le couloir pour prendre le même chemin que Sheila et Gemme.

Le chaos le plus complet régnait dans la salle de Chogurugga ; deux énormes aides de l’ogresse se jetaient partout, attachaient des morceaux d’armures, brandissaient de lourdes armes. Leur maîtresse, dans un coin de la pièce, se tenait devant une armoire ouverte, aux étagères surchargées de potions en bouteilles. Elle les examinait l’une après l’autre, en prenait certaines, séparait les autres en deux catégories.

Au fond, les jambes toujours pendantes (une de chaque côté), Bloog n’avait pas bougé de son hamac. Le monstre oisif ne paraissait pas le moins du monde préoccupé par toute l’agitation autour de lui.

L’elfe se dirigea vers lui et prit la parole :

— Il te trouvera. On m’a dit que le drow viendrait chercher le marteau de guerre.

— Drow ? grogna l’autre. Pas d’foutu drow. Gros ver.

— Si tu le dis, répondit Le’lorinel en haussant les épaules.

Son regard indiquait clairement que, selon son opinion, tout ce fracas avait peu de chance d’être causé par un simple remorhaz.

— Drow ? répéta Bloog qui paraissait soudain un peu moins arrogant.

— Il te trouvera.

— Bloog écrabouille ! hurla l’ogre en se levant. (Ou du moins en essayant ; le mouvement faillit le jeter à bas de la couche instable.) Pas prend l’nouveau marteau d’Bloog ! Écrasé !

— Écraser qui ? appela Chogurugga depuis l’autre côté de la pièce.

Voyant Le’lorinel à côté de son consort, elle prit l’air mécontent.

— Ce n’est pas si simple, puissant Bloog, expliqua l’elfe en refusant d’accorder la moindre attention à l’ogresse. Allons, viens, mon ami ; je te montrerai comment augmenter tes chances de défaire le drow.

Bloog regarda tour à tour Le’lorinel et sa monstrueuse partenaire, qui paraissait de plus en plus contrariée, puis revint à l’individu menu près de lui. Son expression était claire : il avait tout autant envie de rendre furieuse Chogurugga que d’apprendre tout ce qu’il pourrait sur Drizzt Do’Urden ! L’ogre se leva enfin de son hamac, posa Crocs de l’égide sur son épaule. L’arme fabuleuse, devant le volume monstrueux de son porteur musculeux, semblait de taille réduite, comme un banal marteau de charpentier.

Jetant un dernier coup d’œil à Chogurugga pour s’assurer que l’ogresse impulsive ne s’apprêtait pas à charger, Le’lorinel mena Bloog hors de la pièce, le fit remonter vers le côté nord du niveau supérieur, jusqu’à la porte de Bellany.

— Qu’est-ce qu’il fait là, lui ? demanda la sorcière quand elle l’ouvrit un peu plus tard en réponse aux coups péremptoires frappés sur son huis. Sheila n’aimerait pas ça.

— Qu’as-tu appris ? demanda l’elfe.

Le visage de Bellany s’assombrit.

— Ce n’est pas qu’un ver polaire, confirma-t-elle. J’ai aperçu un nain et un homme très grand qui approchaient en courant.

— Bruenor Marteaudeguerre et Wulfgar, sans doute. Et pour le drow ? (La sorcière haussa les épaules, secoua la tête.) Si les deux autres sont là, Drizzt Do’Urden aussi ! Ce combat dehors doit constituer une diversion. Regarde mieux ! (Bellany jeta un regard mécontent à Le’lorinel qui n’en fit aucun cas.) Peut-être même est-il déjà entré…

Ces mots suffirent à effacer toute colère du visage de la sorcière ; elle retourna dans sa chambre, ferma la porte. Un peu plus tard, on pouvait l’entendre jeter un sort. L’elfe nota en souriant que le bois de l’huis juste devant semblait gonfler jusqu’à remplir exactement l’espace du chambranle.

Le’lorinel, sur les nerfs, avait le plus grand mal à ne pas éclater de rire ; mais il s’agissait à présent, Bloog à sa suite, d’accomplir le plan !

 

* * *

 

Régis, son ravissant visage appuyé contre la roche, n’osait plus respirer. Il entendait deux autres ogres approcher en grommelant, accompagnées d’une voix humaine déplaisante. Les trois brigands approchaient de Drizzt et lui, remontant la gorge pour voir où en étaient leurs complices.

Le halfelin avait au moins le réconfort de savoir le drow juste à côté de lui… jusqu’au moment où il tourna la tête et vit que son compagnon était parti !

La panique enfla en lui. Il entendait tout près le trio ennemi et ses imprécations.

— Il fait bien trop froid pour chasser des ombres ! protestait l’humain.

— Gros ver, prononça un des ogres.

— Tu trouves ça mieux ? railla l’homme. Si on laisse le bestiau tranquille, il s’en ira tout seul !

— L’a tué Bonko ! fit le deuxième monstre, indigné.

L’humain voulait répondre – sans doute pour assurer négligeable la perte d’un ogre –, puis parut renoncer à cette déclaration dangereuse. Il se contenta de jurer à mi-voix.

Ils passèrent juste à côté de Régis ; s’ils avaient longé d’un peu plus près la paroi, ils auraient sans doute frôlé son derrière.

Le halfelin ne s’autorisa pas à respirer avant que les trois voix se soient bien éloignées. Il resta dans l’ombre, plaqué contre le mur.

— Régis ! chuchota-t-on. (Le halfelin leva les yeux ; Drizzt se tenait sur une plate-forme au-dessus de lui.) Viens vite. Il n’y a personne dans la grotte.

Rassemblant tout son courage, Régis monta, s’aidant de la main tendue du drow. Les deux compagnons avancèrent sur l’étroite corniche, contournèrent un empilement de gros rochers jusqu’à l’entrée d’une grande caverne.

Drizzt jeta un coup d’œil et poursuivit son chemin, le halfelin derrière lui.

Peu après, la grotte donnait dans un tunnel à niveau, qui bifurquait plusieurs fois. L’air était enfumé à cause des torches éclairant le couloir à intervalles irréguliers ; leurs flammes dansantes créaient des ombres chaotiques qui s’allongeaient et se réduisaient sans trêve.

— Par là, fit Régis à un embranchement.

Il passa devant Drizzt, prit à gauche. Il tâchait de se rappeler tout ce que Robillard lui avait raconté sur ce qu’il avait vu ; le sorcier avait bien exploré la zone et avait même pu monter un peu dans les hauteurs du système de cavernes.

Le sol descendait un peu par endroits, ou montait légèrement, mais, dans l’ensemble, le chemin perdait de l’altitude. Les compagnons traversèrent des salles plus obscures, sans aucune torche, d’autres où de nombreuses stalagmites gênaient la marche et où des stalactites menaçantes les surplombaient. De nombreuses plates-formes suivaient les murs, aboutissant à d’étonnantes formations rocheuses ou à des étendues de roche lisse qui donnait l’impression de couler telle une eau claire. D’autres tunnels, plus petits, débouchaient sous tous les angles imaginables dans la voie principale.

Régis ralentit : des voix gutturales se faisaient entendre devant eux. Le halfelin se tourna vers Drizzt, l’air très inquiet, pointa théâtralement le doigt devant lui. Le couloir tournait à gauche, puis à droite, montant en pente douce.

Le drow fit signe à Régis d’attendre, puis se glissa dans l’ombre, avec tant de grâce – tout en silence – que le halfelin cilla à plusieurs reprises parce qu’il se demandait si Drizzt n’avait pas tout simplement disparu. Après être resté ébahi quelques instants, le petit homme se rappela où il était… et qu’il n’y était pas seul. Il se glissa dans les ombres sur le côté.

Son ami revint tout sourires quelques instants plus tard, au grand soulagement de Régis. Il avait trouvé l’endroit désiré. Drizzt mena le halfelin dans un virage, en haut d’une petite pente raide, puis ils gravirent quelques marches mi-naturelles, mi-gravées dans la roche, jusqu’à une salle qui s’élargissait sur la gauche, débouchant sur un plateau au sol inégal, à hauteur de poitrine de drow.

Les voix s’approchaient encore, résonnant juste après le prochain virage. Drizzt bondit en hauteur sur la gauche, puis tendit le bras pour hisser le halfelin jusqu’à lui.

— Fais très attention, avertit-il, les cailloux branlent.

Ils avancèrent tout doucement sur la plate-forme, rasant la paroi, jusqu’à une zone dégagée, sans débris rocheux. Là, Drizzt se pencha, fourra sa main dans une petite alcôve du mur ; il la retira et se frotta les doigts.

Régis hocha la tête d’un air entendu. De la cendre. Il s’agissait d’une cheminée naturelle, celle que Robillard lui avait décrite et qu’il avait ensuite indiquée au drow.

Celui-ci y pénétra le premier, se mettant dans la position idéale pour gravir l’étroit tunnel. Régis n’eut pas le loisir de réfléchir à ce qu’il allait faire ni même de rassembler son courage : d’autres voix, nombreuses, approchaient derrière lui.

Il monta dans l’obscurité absolue, tâtonnant à la recherche de prises, et se propulsa à l’aveuglette à la suite du drow.

 

* * *

 

Drizzt se croyait tout d’un coup revenu en Outreterre, dans ce royaume du chasseur où il devait garder ses sens parfaitement affûtés pour avoir la moindre chance de survie. Il entendait une multitude de sons : l’eau qui coulait goutte à goutte plus loin, la pierre qu’on frottait sur la pierre, des cris en dessous, éloignés eux aussi – tout lui arrivait par les multiples fissures de la roche. Il pouvait ressentir ces bruits au bout de ses doigts fins tandis qu’il poursuivait son ascension. Il modérait son allure, sachant que Régis, sinon, ne pourrait le suivre. Le drow venait d’Outreterre où on rencontrait fréquemment ce genre de puits creusé naturellement dans la roche, et savait que la vision nocturne du halfelin, pourtant excellente, ne lui servirait à rien en ce lieu ; Drizzt, lui, aurait pu escalader cet étroit passage aussi vite que Régis trottant sur une douce pâture éclairée par les étoiles.

L’elfe noir s’émerveillait de la texture retrouvée de la pierre, y touchait la vie de ce mont qui autrefois avait vibré de multiples cours d’eau. Les arêtes étaient émoussées, ce qui rendait l’ascension plus confortable, et les parois assez inégales, pas trop lisses (sinon, il aurait pu glisser).

Il avançait donc, en silence, sens à l’affût.

— Drizzt, chuchota-t-on derrière lui.

Régis restait bloqué. Le drow redescendit, baissa sa jambe jusqu’à un niveau où le halfelin pouvait l’attraper.

— J’aurais dû rester avec les autres…, se lamenta celui-ci quand il eut enfin passé la partie difficile.

— Mais non, répondit son ami. Prends contact avec la vie de la roche autour de toi. Ici, nous allons trouver un moyen d’être utiles – peut-être indispensables ! – à nos compagnons.

— Nous ne sommes même pas sûrs qu’il y aura des combats dans cette zone !

— Si cela ne se produit pas, en tout cas l’ennemi ne s’attend pas à nous voir les prendre ainsi à revers. Suis-moi.

Ils allèrent donc de plus en plus haut dans la montagne. Bientôt ils entendirent les voix tonnantes d’énormes humanoïdes, qui se faisaient de plus en plus fortes.

Un tunnel secondaire court, à la pente peu accentuée, descendait de la cheminée principale ; de la chaleur en provenait, suivant directement ces voix monstrueuses.

Drizzt attendit que Régis l’ait rejoint dans cette zone un peu plus large, puis suivit l’embranchement. Il arriva sur une ouverture débouchant au-dessus des braises presque éteintes d’un grand âtre.

La hotte au-dessus du feu était un peu plus haute que l’endroit où le tunnel se creusait dans le mur, de sorte que le drow pouvait voir dans la pièce : trois ogres (l’un d’eux une ogresse à la peau d’un violet insolite) se précipitaient un peu partout, bouclant des ceintures autour d’eux et essayant des armes.

De l’autre côté de la salle, Drizzt repéra une issue souvent utilisée, qui menait vers le haut. Il revint vers Régis.

— Montons, murmura-t-il.

Il s’arrêta le temps de prendre son outre et d’en mouiller le haut de sa chemise qu’il appliqua sur sa bouche et son nez pour mieux supporter la fumée. Après avoir aidé son compagnon à faire de même, il se remit en route.

Dix mètres plus haut, il y avait un carrefour de conduits. La cheminée principale montait encore, mais cinq tunnels y débouchaient sous divers angles. Les compagnons sentaient sur eux de la chaleur et un peu plus de fumée. On remarquait que ces voies secondaires avaient été artificiellement taillées dans la roche, par des mains trop petites pour être celles d’ogres.

Drizzt fit signe à Régis de garder le silence, puis emprunta le chemin qu’il pensait mener le plus directement au nord.

Dans cet âtre-ci, le feu brûlait avec davantage de conviction, mais, par chance, le bois l’alimentant était assez sec pour produire peu de fumée. Cependant, avec la pente abrupte de ce conduit, le drow n’avait pas vue sur la pièce abritant la cheminée.

Il consacra un petit moment à attacher ses cheveux, à les mouiller, puis il se mit à genoux, inspira profondément, et enfin avança la tête en bas, rampant comme une araignée sur la roche, jusqu’à pouvoir jeter un coup d’œil par-dessous la hotte. Le foyer brûlait juste au-dessous de lui, des escarbilles venaient lui picoter la peau.

Cette salle-ci apparaissait très différente des quartiers des ogres en dessous, elle était remplie de beaux meubles et d’épais tapis ; une couche luxueuse l’ornait. Face à Drizzt, une porte entrouverte menait à une autre pièce dont il ne pouvait voir grand-chose. Il aperçut tout de même des tables recouvertes d’un bric-à-brac ressemblant à ce qu’on pouvait trouver dans un atelier d’alchimiste. Une autre porte encore, à l’huis d’apparence plus massive, débouchait dans cette pièce. On voyait le jour passer sur les côtés du chambranle.

Le drow était très intéressé, mais ne pouvait s’attarder davantage, à cause de la chaleur.

Il rejoignit le halfelin resté au carrefour, décrivit ce qu’il avait vu.

— Nous devrions sortir pour essayer de repérer les autres, estima son ami.

Drizzt acquiesçait quand tous deux entendirent une énorme voix rebondir dans un autre des conduits secondaires :

— Bloog écrase ! Personne prend marteau Bloog !

Le drow fila dans cette direction, Régis juste derrière. Ils parvinrent à une autre pente raide au-dessus d’un nouvel âtre où presque plus rien ne brûlait. Drizzt se mit une fois de plus à l’envers, et passa la tête.

Un ogre se dressait là, une bête gigantesque, hideuse, et très en colère, qui balançait Crocs de l’égide sans effort au bout de son bras. Derrière le monstre, s’adressant à lui d’une voix apaisante, Drizzt voyait un elfe élancé, l’épée à la main.

Il n’attendit pas Régis, mais pivota et se laissa tomber dans l’âtre dont il piétina les braises mourantes avant de faire son audacieuse entrée en scène.

 

* * *

 

Les trois amis longeaient le haut du ravin à toute vitesse ; ils s’écartèrent du bord en entendant une patrouille d’ogres qui chargeait depuis la gorge, plus bas. Il leur fallut dévier davantage quand un deuxième groupe fonçant à travers la neige sortit de la montagne qui, à présent, les dominait.

— Il y en a sans doute plus encore dedans, supposa Catti-Brie.

— Raison d’plus pour foncer ! gronda Bruenor.

— Drizzt et Régis doivent approcher le repaire, estima Wulfgar, peut-être même y ont-ils déjà pénétré.

La jeune femme, l’arc à la main, avança un peu.

— Tu l’appelles quand, l’fauve ? demanda Bruenor.

Catti-Brie jeta un coup d’œil à sa ceinture où elle avait calé la figurine de Guenhwyvar.

— Quand on sera plus près, répondit-elle.

Le nain hocha la tête ; il lui faisait confiance. Il se précipita derrière Wulfgar.

Le barbare était en effet plus loin devant. Il se pencha soudain en avant, évita sans difficulté le puissant coup de massue qu’un ogre avait voulu lui assener en pivotant. La créature venue de l’intérieur de la montagne avait traversé d’un bond un petit ravin pour se trouver directement sur la même pente douce que Wulfgar.

Celui-ci lança son pied, manœuvra en même temps son arme, et ouvrit une plaie profonde dans le dos de la brute, à l’épaule. L’ogre voulut se retourner ; Bruenor, déjà là, enfonça sauvagement sa hache dans le genou de la créature qu’il fit trébucher et tomber en ululant.

— Finis-le, fifille ! ordonna-t-il en passant devant au pas de course.

Il allait vers la montagne abritant le repaire, mais il dut s’arrêter dans une glissade précipitée à cause de la ravine qui l’en séparait. Il ne pouvait franchir la distance d’un saut.

L’instant d’après, le nain plongea sur le côté à cause d’un rocher lancé sur lui depuis le flanc du monticule, un peu au-dessus.

Wulfgar fonça en rugissant : « Tempus ! », bondit par-dessus le ravin. Il heurta quelques rochers à l’atterrissage, mais, reprenant vite son équilibre, se retrouva sur un étroit sentier tortueux qui gravissait la pente escarpée.

— T’aurais dû m’jeter avant, grommela Bruenor. (Il plongea encore sur le côté pour éviter une autre pierre. Il avait repéré un chemin pour rejoindre le sentier où avançait son fils, mais il savait que, le temps qu’il y arrive, Wulfgar l’aurait distancé.) Fifille, j’ai besoin d’toi ! cria-t-il.

Il se retourna. L’ogre abattu avait un dernier frémissement : une autre flèche s’était enfoncée dans son crâne.

Catti-Brie se précipita, posa un genou à terre et entreprit d’envoyer une volée de flèches successives à l’ennemi dissimulé qui jetait des pierres. La brute se montra, un projectile brandi bien haut au-dessus de sa tête, mais le lâcha quand un trait de la jeune femme la frôla.

Catti-Brie et Bruenor entendirent alors les sons d’un combat furieux : Wulfgar tombait sur la bête. Le nain courut vers lui, sa fille jeta la figurine d’onyx par terre, appela Guenhwyvar, enfin remit son arc à l’œuvre.

Sur un petit plateau au-dessus du barbare, une nouvelle menace faisait son apparition : des archers, qui tiraient des flèches au lieu de jeter des rocs.

 

* * *

 

— C’est eux ? demanda Morik le Rogue en poussant de toutes ses forces la porte close des quartiers de Bellany. (Il regarda le bois enflé, comprit que la sorcière avait magiquement scellé l’huis.) Bellany ? (La porte sembla exhaler avant de revenir à sa taille normale ; l’homme put entrer.) Bellany ?

— On dirait bien que ton ami et ses compagnons sont venus récupérer le marteau de guerre, prononça une voix juste devant Morik.

Il faillit bondir hors de ses chausses ! La femme était invisible.

— Les sorciers ! marmonna-t-il en se calmant. Où est Sheila Kree ? (Pas de réponse.) Tu as haussé les épaules, c’est ça ? (Bellany gloussa ; il ne s’était pas trompé.) Et toi, alors ? Tu comptes rester cachée ou joindre le combat ?

— Sheila m’a donné pour instructions d’identifier la source de toute cette agitation… ce que j’ai fait.

Le Rogue eut un grand sourire. Il avait fort bien compris ce que signifiait la réponse évasive de la sorcière ! Elle attendait de voir quel vainqueur se dégageait avant de décider de ses propres actions. Morik, à cet instant, sentit croître dans de bonnes proportions son respect pour cette femme.

— Tu n’aurais pas un autre de ces enchantements, pour moi ? demanda-t-il.

Bellany commençait à jeter le sort avant même qu’il ait terminé sa phrase. Il ne fallut que quelques instants pour que le Rogue disparaisse à la vue.

— Cette invocation ne vaut pas grand-chose, elle n’est pas très durable, indiqua-t-elle.

— Elle me laissera le temps de trouver une bonne cachette ! assura Morik.

Il se tut : des sons retentissaient à flanc de montagne, plus bas.

— Ils se battent sur le sentier, estima la sorcière.

Un instant plus tard, elle entendit un grincement dans la pièce attenante. La lumière crût momentanément quand Morik passa la porte extérieure. Bellany se rapprocha du fond de ses quartiers ; une exclamation résonnait de l’autre côté, venue de la chambre de Le’lorinel.

La Mer des Épées
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